Dans une tribune publiée par Ouest-France, Jean Arthuis – ancien ministre de l’Économie et des Finances, maire de Château-Gontier – tire la sonnette d’alarme sur la gestion des finances publiques en France. Il y dénonce un pilotage budgétaire aveugle et appelle à instaurer une vraie culture de la responsabilité et de la transparence.
Un État qui administre 60 % du PIB mais sans rendre réellement compte
Arthuis rappelle que la sphère publique contrôle près de 60 % du produit intérieur brut. Pourtant, selon lui, les signes d’une perte de contrôle se multiplient. Il critique un « État-providence » devenu un « laboratoire de l’entre-soi », baignant dans l’opacité et l’irresponsabilité collective.
Il pose la question : comment prétendre gouverner démocratiquement sans véritable obligation de rendre compte ?
Le contraste avec la transparence des entreprises
Dans le secteur privé ou associatif, la présentation annuelle des comptes constitue un moment central :
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Les résultats sont certifiés par un tiers indépendant,
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La stratégie est débattue sur la base de données sincères et vérifiées.
Cette pratique est née aux États-Unis après la crise de 1929 et a été intégrée en France avec la loi de 1966 sur les sociétés commerciales, rendant les informations financières fiables et lisibles pour toutes les parties prenantes.
Des avancées légales ignorées dans la sphère publique
Jean Arthuis souligne que la LOLF (2001) et la LOLFSS (2005) ont imposé à l’État et à la Sécurité sociale des règles comptables comparables à celles des entreprises. La Cour des comptes certifie même la régularité et la sincérité des comptes.
Pourtant, dans les faits, ces réformes restent largement lettre morte. Le débat parlementaire se concentre uniquement sur le vote du budget à l’automne – un rituel où dominent les annonces tapageuses et les amendements, symboles d’une activité parlementaire plus statistique que stratégique.
La fameuse formule d’Edgar Faure résume ce cycle : « Litanie, liturgie, léthargie. »
Une reddition des comptes illisible et escamotée
Même si des documents comme le bilan, la situation patrimoniale et le compte de résultat existent depuis vingt ans, ils sont annexés discrètement aux lois d’approbation des comptes et nourrissent rarement de débat.
Arthuis met en lumière un angle mort considérable :
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Les 1 800 milliards d’euros d’engagements de retraite de l’État n’apparaissent pas au passif de son bilan.
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À l’époque de l’abaissement de l’âge de départ à 60 ans, aucune évaluation sérieuse de l’impact n’avait été faite.
Il souligne ce qu’il considère comme une illusion comptable : on ne comptabilisait que les salaires versés, oubliant ces « salaires différés » que sont les pensions.
Une défiance sans précédent
Depuis trois ans, l’Assemblée nationale refuse carrément d’approuver les comptes de l’État – une situation inédite depuis 1833.
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Les comptes des allocations familiales ne sont plus certifiés,
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Ceux de la Sécurité sociale sont également menacés de refus.
Pourtant, médias, économistes et parlementaires se contentent de scruter le seul taux de déficit, indicateur produit non par les comptables publics mais par l’Insee.
Un appel à la responsabilité collective
Jean Arthuis conclut sur une mise en garde : la gouvernance publique « baigne dans le clair-obscur » et escamote l’épreuve de vérité.
Il estime qu’il faut un diagnostic partagé, un véritable débat démocratique sur les comptes publics, faute de quoi l’« assureur systémique » qu’est l’État pourrait devenir un risque systémique pour tout le pays.
👉 En résumé : les points marquants
✅ 60 % du PIB géré sans réelle transparence
✅ Des outils comptables modernes mais ignorés
✅ Parlement focalisé sur le budget, pas sur la reddition des comptes
✅ Des engagements de retraites massifs non inscrits au passif
✅ Un refus inédit du Parlement d’approuver les comptes
✅ Un risque systémique si rien ne change
👉 Pour aller plus loin
Pour lire la tribune complète de Jean Arthuis sur Ouest-France :
Mettre fin au pilotage aveugle des finances publiques